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Dégrèvement d’office et ATN immeuble : une nouvelle donne ?

Une première décision favorable au contribuable vient d’être rendue…

Le tribunal de première Instance de Gand a rendu le 31 janvier dernier une décision statuant favorablement sur le recours fiscal introduit par un contribuable contre une décision administrative ayant rejeté une demande de dégrèvement d’office pour fait nouveau, basée sur l’inconstitutionnalité de l’évaluation forfaitaire de l’avantage de toute nature pour mise à disposition gratuite d’immeubles ou de parties d’immeubles par une société à son dirigeant.

Deux décisions des Cours d’appel de Gand et d’Anvers avaient consacré cette inconstitutionnalité pour violation du principe d’égalité des belges devant l’impôt, consacré par l’article 170 de la Constitution, dans la mesure où l’évaluation forfaitaire, à immeuble égal, était près de quatre fois supérieure si l’immeuble était mis à disposition par une personne morale par rapport à l’évaluation de la même mise à disposition par une personne physique.

Suite à ces deux décisions, le Ministre des finances de l’époque avait expressément reconnu que l’administration fiscale s’inclinait et appliquerait, jusqu’à une prochaine modification législative, le régime applicable aux mises à dispositions par les personnes physiques à toute situation de mise à disposition, même du fait d’une personne morale. Cette modification a été adoptée depuis, établissant une nouvelle évaluation forfaitaire à 200 /60 du RC indexé de l’immeuble mis à disposition, laquelle est applicable à toute mise à disposition à compter du 1er janvier 2019.

Une circulaire administrative est parue quant à la situation antérieure, confirmant la position administrative et donc l’application de l’évaluation de 100/60 du RC indexé de l’immeuble mis à disposition à toutes les situations et à tous les litiges en cours.

Cette circulaire précisait expressis verbis que l’acceptation par l’administration fiscale de l’illégalité de l’évaluation antérieure ne constituait pas un fait nouveau ouvrant aux contribuables concernés la possibilité d’introduire une demande de dégrèvement d’office sur base de l’article 376 du Code des impôts sur les revenus.

L’administration acceptait donc d’appliquer le régime plus favorable à tous les litiges en cours, au stade de la réclamation ou du recours judiciaire, mais rejetait toute demande de dégrèvement d’office permettant au contribuable de contester – et donc de récupérer – le surplus d’impôts payé sur une base illégale avec une antériorité de 5 ans. Elle fondait sa position sur le fait que l’article 376 du Code précise qu’un nouveau moyen de droit ou une modification de la jurisprudence ne constitue pas un fait nouveau ouvrant la possibilité d’introduire une demande de dégrèvement.

Cette position – pourtant largement contestable – avait été consacrée par deux décisions des tribunaux de première Instance d’Anvers et de Bruges. Les perspectives paraissaient donc sombres.

La décision rendue par le Tribunal de première instance de Gand vient de faire naître un nouvel espoir dans le chef des contribuables concernés et est de nature à susciter l’intérêt de ceux qui sont en situation d’introduire une telle demande et s’interrogent sur l’opportunité de le faire ou non, ou encore ceux qui envisagent d’introduire un recours judiciaire après rejet de leur demande de dégrèvement d’office.

Selon le Tribunal, toute décision sanctionnant l’inconstitutionnalité d’une disposition fiscale constitue bien un fait nouveau ouvrant le droit à une demande de dégrèvement, quelle que soit la juridiction prononçant la décision. Cela avait déjà été reconnu par l’administration fiscale pour des arrêts de la Cour constitutionnelle et de la Cour de Justice des Communautés Européennes. En l’espèce, la cour Constitutionnelle n’était pas compétente pour se prononcer sur l’inconstitutionnalité de la disposition litigieuse dans la mesure où elle figure dans un arrêté royal et non dans une loi. Le Tribunal semble donc avoir assimilé l’arrêt du 24 mai 2016 de la Cour d’appel d’Anvers, ayant constaté l’inconstitutionnalité de l’évaluation forfaitaire de l’ATN litigieux, à une décision de la Cour constitutionnelle, constituant elle-même un fait nouveau ouvrant le droit au dégrèvement.

On aurait pu ajouter l’argument selon lequel le fait nouveau est non seulement la décision, mais surtout la reconnaissance publique et officielle par l’administration fiscale de l’inconstitutionnalité de la disposition concernée.

Sans crier victoire trop tôt, voilà de quoi faire réfléchir, même s’il faut craindre que l’administration ne rende pas les armes sans se battre farouchement. Avis aux amateurs …