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TVA et preuve du transport dans le cadre d’une livraison intracommunautaire exemptée – Législation applicable depuis le 1er janvier 2020 – La Belgique va plus loin que l’Europe !

Pour obtenir une exemption TVA dans le cadre d’une livraison intracommunautaire, il convient notamment de démontrer que les marchandises ont quitté le territoire d’un Etat membre pour aller dans un autre Etat membre (ci-après « EM »). La preuve de cette condition est bien souvent difficile à apporter. Le législateur belge est intervenu. Les nouvelles règles sont applicables depuis le 1er janvier 2020. Nous vous les exposons brièvement.

 

Afin de fournir une solution pratique aux entreprises, le législateur européen a décidé d’introduire deux présomptions réfragables visant à définir la « condition de la preuve du transport » dans le Règlement d’exécution (UE) n° 282/2011 du 15 mars 2011 (nouvel art. 45bis). Elles ont un effet direct dans les EM. Il n’est donc pas nécessaire de les transposer en droit interne.

L’idée consiste en ce que les parties contractantes soient considérées comme ayant satisfait à leur obligation d’apporter la preuve du transport lorsqu’une déclaration est corroborée par « au moins deux autres éléments de preuve non contradictoires » émanant de deux parties différentes qui sont indépendantes l’une de l’autre et des parties contractantes. Notons que dans ce cas, la charge de la preuve contraire (liée au non-transport intracommunautaire) repose sur l’administration fiscale. Le règlement d’exécution prévoit toutefois une disposition selon laquelle une autorité fiscale (celle de l’État membre du fournisseur des biens) peut réfuter les présomptions susmentionnées.

En Belgique, depuis le 1er janvier 2020, le législateur prévoit trois moyens de preuve pour démontrer le déplacement (= transport intracommunautaire). Ils sont repris à l’article 3 du nouvel A.R. n° 52.

Premier moyen :      la règle générale de production d’un ensemble de documents

Cette règle générale impose qu’afin de démontrer la réalité de l’expédition ou du transport des biens à partir de la Belgique vers un autre EM pour l’application des exemptions visés à l’article 39bis, alinéa 1er, du CTVA, le fournisseur des biens doit à tout moment être en possession de tous les documents justifiant la réalité de cette expédition ou de ce transport. Ces documents comprennent, entre autres, des contrats, bons de commande, factures des transporteurs, documents de transport, documents d’assurance et des documents de paiement relatifs au transport (A.R. n° 52, art. 3, § 1er).

Cette liste n’est pas exhaustive et la preuve de l’expédition ou du transport des biens depuis la Belgique vers un autre EM peut être apportée par d’autres moyens. La production de ces documents ne renverse pas la charge de la preuve contrairement à la production des documents visés dans le cadre des deuxième et troisième moyens ci-après.

 

Deuxième moyen :     les modes de preuve spécifiques basés sur les deux présomptions réfragables européennes

L’article 3, § 2 du nouvel arrêté n°52 stipule que les biens sont présumés, sauf preuve contraire à apporter par l’administration, être expédiés ou transportés à partir de la Belgique vers un autre EM, lorsque le fournisseur est en possession des documents visés à l’article 45bis du règlement d’exécution (UE) n° 282/2011. Il s’agit de moyens de preuve spécifiques que l’assujetti peut utiliser, en particulier « deux présomptions légales » spécifiques réfragables.

Conformément à l’article 45bis du règlement susmentionné, la « preuve du transport intracommunautaire » peut être apportée de la manière suivante :

 

–      Première présomption (cas où le transport est effectué par le « vendeur » ou par un tiers pour son compte) :

Outre la déclaration du vendeur qui indique que les biens ont été transportés ou expédiés par lui ou par un tiers pour son compte, le vendeur est en possession :

–      soit d’« au moins deux éléments de preuve non contradictoires de transport » délivrés par deux parties différentes indépendantes l’une de l’autre, du vendeur et de l’acquéreur, tels qu’un document ou une lettre CMR signé, un connaissement/lettre de transport (« bill of lading »), une facture de fret aérien, une facture du transporteur des biens, etc. ;

–      soit d’« un seul élément de preuve non contradictoire de transport » (CMR, facture d’un transporteur, etc.), en combinaison avec tout autre document délivré par une partie indépendante, à savoir :

(i)    une police d’assurance ou des documents bancaires prouvant le paiement du transport ;

(ii)   des documents officiels délivrés par une autorité publique, tel un notaire, confirmant l’arrivée des biens dans l’EM de destination ;

(iii)  ou encore un récépissé délivré par un entrepositaire dans l’EM de destination attestant l’entreposage des biens dans cet EM (preuve de la réception des biens par le gestionnaire d’un entrepôt).

 

–      Seconde présomption (cas où le transport est effectué par « l’acquéreur » ou par un tiers pour son compte) :

Le vendeur est en possession des documents suivants :

–      une « déclaration écrite de la personne qui acquiert les biens » reprenant une série de mentions et attestant qu’ils ont été transportés par lui ou par un tiers pour son compte, en indiquant l’EM de destination des biens;

–      et au moins « deux éléments de preuve non contradictoires » (les mêmes que ceux visés ci-avant sous la première présomption) délivrés par deux parties différentes indépendantes l’une de l’autre, du vendeur et de l’acquéreur, ou « un seul des documents de transport » susvisés, en combinaison avec tout autre document délivré par une partie indépendante (police d’assurance, documents bancaires, documents officiels délivrés par une autorité publique, preuve de la réception des biens par le gestionnaire d’un entrepôt).

 

Troisième moyen :   le document de destination (présomption réfragable nationale additionnelle)

 

Dans le nouvel arrêté royal n° 52, la Belgique a décidé d’introduire une présomption légale qui ne relève pas de l’exécution de la réglementation européenne.

L’article 3, § 3, de cet arrêté prévoit en effet une présomption réfragable nationale additionnelle en vertu de laquelle la preuve du transport des biens de la Belgique vers un autre EM peut également être apportée par l’assujetti au moyen d’un « document de destination » en combinaison avec la facture relative au transport des biens, lorsque celui-ci est effectué pour le compte du fournisseur. Si l’acquéreur des biens s’occupe du transport, seul le document de destination doit donc être produit.

La détention de ces deux documents permet le renversement de la charge de la preuve.

Si, jusqu’ici le « document de destination » était un document administratif découlant de la décision TVA n° E.T.129.460 du 1er juillet 2016, il a désormais un véritable cadre légal.

Selon le législateur belge, le contenu de ce document n’est pas en contradiction avec la législation européenne étant donné que les deux présomptions réfragables européennes ne permettent pas, dans tous les cas, de démontrer la preuve du transport. Par conséquent, la Belgique entend permettre à l’assujetti de prouver le transport intracommunautaire au moyen de ce document de destination, sans nécessairement devoir remplir les conditions de l’art. 45bis du Règlement d’exécution européen.

Suivant l’article 4 de l’A.R. n° 52 en vigueur au 1er janvier 2020, le document de destination mentionne :

1°    le nom ou la dénomination sociale du fournisseur, l’adresse de son siège administratif ou social et son numéro d’identification à la T.V.A. visé à l’article 50 du Code ;

2°    le nom ou la dénomination sociale de l’acquéreur, l’adresse et le numéro d’identification à la T.V.A. attribué à l’acquéreur par un autre EM que la Belgique, sous lequel celui-ci a effectué une acquisition intracommunautaire ;

3°    la confirmation que le document de destination concerne l’arrivée des biens qui font l’objet de la livraison exemptée en vertu de l’article 39bis, alinéa 1er, 1° à 3°, du Code ;

4°    le lieu d’arrivée des biens, à savoir l’adresse dans l’EM d’arrivée, autre que la Belgique ;

5°    la dénomination usuelle et la quantité des biens ;

6°    la date d’émission de la facture ainsi que le numéro séquentiel qui identifie la facture de façon unique ou, lorsque la facture n’est pas encore émise, une autre référence utilisée par les parties explicitement liée à la facture, à condition qu’aussi bien le fournisseur que l’acquéreur soit en possession d’un exemplaire du document qui contient cette référence ;

7°    la date de la réception des biens livrés.

 

Par dérogation à l’alinéa 1er, un document de destination globalisé peut être établi pour toutes les livraisons exemptées effectuées pour un même acquéreur pendant une période maximale de trois mois civils consécutifs. Dans ce cas, le document mentionne la période à laquelle il se rapporte.

Le document de destination est établi par le fournisseur, par l’acquéreur ou par une personne qui a été dûment mandatée par l’un d’eux. Il est daté, signé et remis au fournisseur au plus tard dans les trois mois après l’expiration de la période à laquelle il se rapporte, par une des personnes suivantes :

1°    l’acquéreur ;

2°    une personne mandatée par l’acquéreur qui, en raison de sa fonction au sein de l’entreprise de l’acquéreur, est présumée avoir connaissance des achats réalisés et qui appose sur le document de destination la mention « au nom de l’acquéreur » ainsi que son nom et sa fonction.

Dans le cas où les biens ne sont pas expédiés ou transportés vers un établissement de l’acquéreur, le document de destination est également daté et signé par une personne dont la fonction dans l’entreprise qui exploite cet établissement permet de déclarer que les biens y sont effectivement arrivés. Celle-ci appose sur le document de destination la mention « au nom de l’acquéreur » ainsi que son nom, sa fonction et le nom de l’entreprise qui exploite cet établissement.

 

Laurent Tainmont

Céline Joly

LawTax