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Droits de succession – Clap de fin pour la solidarité des héritiers vis-à-vis des « légataires fictifs »

Jusqu’il y a peu, il était de pratique courante en Région wallonne et en Région de Bruxelles-capitale, que l’administration poursuive et recouvre à charge des héritiers légaux les droits de succession et intérêts de retard dus par un tiers, notamment en vertu d’une fiction de legs.

C’était en effet le cas lorsqu’une donation (non enregistrée) avait été consentie par le défunt à une personne qui n’était ni un héritier, ni un légataire ou donataire universel dans les trois années précédant son décès en application de l’article 7 du Code des droits de succession.

Dans le cadre de l’obligation à la dette, un successeur pouvait alors être tenu à l’égard de l’Etat belge de payer des droits et intérêts sur des actifs successoraux qui ne lui revenaient pas.

Emboitant le pas à la Région flamande¹, le législateur a mis fin à cette solidarité par une loi du 7 février 2021².

L’article 70, alinéa 2, du Code des droit de succession, tel que modifié par cette loi, prévoit désormais que :

« En outre, les héritiers, légataires et donataires universels dans la succession d’un habitant du royaume sont tenus ensemble, chacun en proportion de sa part héréditaire, de la totalité des droits et intérêts dus par les légataires et donataires à titre universel ou à titre particulier. Cette règle n’est pas applicable aux droits et intérêts dus sur les déclarations nouvelles prévues par l’article 37, lorsqu’il ne leur incombe pas de déposer ces déclarations. Elle n’est pas non plus applicable aux droits et intérêts dus sur [les libéralités visées aux articles 7 et 8.] »

Un héritier légal ne peut donc plus être tenu au paiement des droits et intérêts dus par un « légataire fictif », en proportion de sa part héréditaire.

Cette modification résulte de l’arrêt de la Cour constitutionnelle n° 20/2018 du 22 février 2018, lequel conclut à l’inconstitutionnalité de l’article 70, lu en combinaison avec l’article 7 du Code des droits de succession.

Selon la Cour – qui avait rendu un arrêt similaire en 2011 au regard de l’article 8 du Code des droits de succession –, l’article 70 était discriminatoire en ce que les héritiers, légataires et donataires universels n’avait pas la possibilité de s’assurer que le bénéficiaire d’une donation acquitte les droits de succession, « mais se retrouvent en outre solidairement tenus au paiement de droits de succession sur des biens qu’ils auraient eu vocation à hériter, en l’absence de la libéralité effectuée par le défunt ».

Cet arrêt été rendu à la suite d’une question préjudicielle, posée par le tribunal de première instance du Hainaut, division Mons.

Il a eu pour effet la non-application par le juge de la norme invalidée. Cette norme est toutefois restée valide dans l’ordre juridique jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 7 février 2021, intervenue le 1er mars 2021.

La modification de l’article 70, alinéa 2, telle que reprise ci-dessus, s’applique donc aux décès survenus à partir du 1er mars dernier.

La norme censurée par l’arrêt rendu sur question préjudicielle est toutefois affectée puisque, si la même question se pose devant une autre juridiction, dans le cadre d’un autre litige, le juge saisi pourra se dispenser de son obligation d’interroger la Cour constitutionnelle³; ce qui suppose implicitement qu’il applique l’arrêt de la Cour Constitutionnelle antérieur.

Dans ces conditions, il y a fort à parier que l’administration se range derrière la position de la Cour constitutionnelle, même pour les décès antérieurs au 1er mars 2021.

Daphné de Laveleye
Associé
LawTax

¹ Voy. l’article 3.10.4.3.1. du Code flamand de la Fiscalité (en vigueur depuis 2016 !).
² M.B., 19 février 2021.
³ Cf. Article 26, § 2, alinéa 2, 2°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989.