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Cryptomonnaies, fiscalité et banques : une vraie jungle !

Depuis plusieurs années, de nombreux contribuables belges se sont intéressés aux cryptomonnaies et y ont investi des montants parfois importants.

Même si, ces dernières semaines, certaines cryptomonnaies ont subi certains revers, nombre de contribuables sont largement gagnants par rapport à leur investissement initial et donc ont réalisé ou sont en passe de réaliser des plus-values parfois importantes en cas de revente de leurs cryptomonnaies ou des parts de fonds ayant eux-mêmes investi dans de tels actifs.

Cette situation pose deux questions. Tout d’abord, de telles plus-values sont-elles taxables ou relèvent-elles de la gestion normale d’un patrimoine privé ? Ensuite, les banques acceptent-elles facilement d’accueillir les fonds résultant de telles transactions.

En Belgique, contrairement à d’autres pays (notamment la France), il n’existe pas de texte légal spécifique applicable aux plus-values réalisées en cryptomonnaies. Il faut donc raisonner sur base des textes existants.

Le contribuable qui réalise une plus-value lors de la revente de cryptomonnaies peut revendiquer soit qu’il s’agit d’opérations relevant de la gestion normale d’un patrimoine privé (auquel cas cette plus-value n’est pas taxable). L’administration fiscale peut, quant à elle, soit considérer qu’il s’agit du produit d’opérations spéculatives, auquel cas la plus-value est taxable au titre de revenus divers au taux de 33 %, soit considérer qu’il s’agit du produit d’une activité professionnelle, auquel cas la plus-value est taxée comme un revenu professionnel, au même titre qu’un salaire, aux taux progressifs par tranches.

L’opération spéculative se définit comme l’achat pour revendre et l’administration fiscale déduira souvent l’existence d’une spéculation de la faible durée de détention, de la répétition des opérations, de l’achat au moyen de fonds empruntés, d’investissements en option d’achat ou de vente à terme ou de l’utilisation d’instruments de minage. Elle déduira, même si c’est plus rare, l’existence d’une activité professionnelle en cas d’organisation professionnalisée de l’activité d’investissement et de gestion de cryptomonnaies, et du fait que le contribuable exerce une activité professionnelle en rapport avec le secteur ou n’exerce aucune autre activité professionnelle que son activité de « cryptomonnayeur ».

Comme on le voit, en l’absence de dispositions fiscales claires et spécifiques, l’incertitude est de mise et les possibilités de conflit avec l’administration fiscale sont nombreuses.

Sachez qu’il est possible de s’adresser au Service des Décisions Anticipées (ci-après le SDA, aussi dénommé communément la Commission du ruling), lequel examinera la situation préalablement à toute revente et se prononcera sur la qualification fiscale à donner à l’opération, gestion normale de patrimoine privé, opération spéculative ou revenu professionnel.

Le SDA a déjà rendu plus de 20 décisions sur le sujet et même si chaque cas d’espèce doit être analysé individuellement, ces décisions permettent de se forger une idée générale sur l’opinion du SDA en la matière. Par ailleurs, le SDA a aussi édité une série de 17 questions que tout investisseur en cryptomonnaies devrait se poser pour tenter de déterminer à quelle sauce son éventuelle plus-value sera mangée.

Comme on le voit, il n’est pas toujours simple de s’orienter dans une telle jungle et le premier conseil à donner à tout contribuable se trouvant dans une telle situation est de s’informer préalablement à la réalisation de la plus-value, voire d’interroger le SDA aux fins de se faire confirmer par le biais d’une décision liant l’administration fiscale que l’opération projetée relève bien de la gestion normale d’’un patrimoine privé et est donc non taxable.

Enfin, il nous est aussi revenu qu’il est de plus en plus difficile de faire accepter par les banques les fonds résultant de la revente de cryptomonnaies. Ces dernières sont souvent frileuses et multiplient les interrogations et questionnements inquisitoriaux quant à l’origine des fonds, aux modalités des opérations et au strict respect par le contribuable de ses obligations fiscales, réelles ou supposées.

Ces questionnements sont justifiés par le désir des banques de se conformer à la législation anti-blanchiment – ce qui n’est pas critiquable en soi – mais peuvent placer le client concerné face à de grandes difficultés d’ordre pratique, voire à une quasi-impossibilité de profiter de la plus-value ainsi réalisée. Il va de soi que le fait d’avoir obtenu un ruling confirmant l’absence de taxation est aussi de nature à faciliter l’acceptation bancaire des fonds.

Et on ne saurait par ailleurs trop conseiller aux investisseurs concernés de conserver un maximum de preuves de leurs diverses transactions et de surveiller l’actualité, dans la mesure ou les projets belges de réforme fiscale et une directive européenne en préparation sur le sujet pourraient sérieusement modifier les principes exposés ci-avant dans l’avenir.

Thierry Litannie
Avocat spécialisé en droit fiscal – Managing partner LAWTAX AVOCATS