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Nouveautés en matière de délais d’investigation et d’enrôlement : toujours plus pour l’administration, souvent moins pour le contribuable !

Une récente loi du 20 novembre 2022, parue au Moniteur du 30 novembre, a modifié plusieurs dispositions importantes en matière de procédure et de délais d’investigation et de contrôle. Et elle est entrée en vigueur pour la période imposable 2022, soit dès maintenant.

Parmi les nouveautés, on pourra épingler un allongement de plusieurs délais de contrôle de la déclaration et donc d’enrôlement de l’impôt.

Allongement des délais de contrôle

Le délai ordinaire de contrôle qui est de trois ans à partir du premier janvier de l’année dont le millésime désigne l’exercice d’imposition n’est pas modifié. Mais si la déclaration à l’IPP, l’ISOC ou la déclaration TVA est tardive ou en cas d’absence de déclaration, le délai de contrôle passe automatiquement et sans aucune formalité à 4 ans.

Par ailleurs, ce délai passera, tout aussi automatiquement et sans formalité particulière à 6 ans pour des déclarations dites semi-complexes, ce qui sera notamment le cas si elles présentent des éléments d’extranéité : par exemple, un salary-splitting en Belgique ou à l’étranger ou toute demande d’exonération ou d’exemption basée sur une convention internationale ou une directive européenne. Et les cas d’application seront nombreux : on pense notamment à la perception par une société belge de dividendes issus d’une société étrangère pour lesquels l’application du régime des RDT est revendiquée, de la détention d’un immeuble situé à l’étranger, des sociétés qui paient au moins 100.000 € par an (indexés)à un contribuable résidant dans un état figurant sur la liste des paradis fiscaux (on rappelle que la Turquie et Malte y figurent).

Parfois 10 ans …

Dans certains cas, le délai de contrôle sera même porté à 10 ans. Ce délai extraordinaire de contrôle sera en effet applicable d’office et sans formalité particulière à toutes les déclarations dans lesquelles le contribuable doit mentionner sa qualité de fondateur ou de bénéficiaire d’une structure juridique visée par la taxe Caïman. Par ailleurs, l’administration fiscale pourra aussi revenir 10 ans en arrière en cas de présomption de fraude fiscale, mais dans ce cas-ci, moyennant l’envoi, préalable à tout acte d’investigation, d’une notification écrite décrivant avec précision les éléments qui lui font suspecter une telle fraude. Ce que le contribuable pourra bien entendu contester.

Référé et astreinte en cas d’obstruction

Comme si tout cela ne suffisait pas, l’administration fiscale pourra également exercer un recours contre tout contribuable ou tout tiers (par exemple un expert-comptable) qui ne collaborerait pas lors d’un contrôle fiscal. On pense par exemple au refus de communication de certains documents, à la non-dénonciation de tiers bénéficiaires de certains paiements ou à l’obstruction face à une demande de l’administration fiscale de procéder à une visite domiciliaire.

Dans toutes ces hypothèses, l’administration fiscale pourra citer le contribuable ou le tiers qu’elle estimerait non collaboratif et solliciter, en référé, sa condamnation à une astreinte journalière si elle ne collabore pas.

Comme on le voit, ces modifications aboutissent quasiment toutes à un renforcement des pouvoirs de contrôle de l’administration fiscale et donnent l’impression désagréable que, sous couvert de lutte contre la fraude fiscale, il ne reste plus rien des droits du contribuable, pourtant protégés par la Constitution ou la Convention européenne des droits de l’homme. On ne peut que déplorer cette absence d’équilibre entre les droits légitimes de l’Etat de faire appliquer la législation fiscale et les droits tout aussi légitimes de tout contribuable d’obtenir dans des délais raisonnables l’assurance que sa situation fiscale ne pourra plus être remise en question.

Il paraît douteux que nos gouvernants se soient posé la question de l’organisation pratique des cessions de parts d’entreprises dont la situation fiscale pourrait être revue avec une rétroactivité de 10 ans. On voudrait les rendre invendables que l’on ne s’y prendrait pas autrement !

Enfin, le délai de conservation obligatoire des documents, notamment comptables, passe, lui aussi, de 7 à 10 ans pour s’aligner sur les délais de contrôle les plus longs, même s’il est souvent prudent de les conserver plus longtemps encore.

Réclamation : 1 an

Une bonne nouvelle pour terminer : le délai de réclamation fiscale passe lui de 6 mois à un an.

Mais comme le délai de paiement ordinaire de l’impôt est de deux mois à compter de la date d’envoi de l’avertissement-extrait de rôle et que souvent, en cas d’absence de paiement dans les délais requis, l’administration ne tarde pas à envoyer ses huissiers aux trousses du contribuable retardataire, cet allongement du délai de réclamation s’apparente fort à une version fiscale du miroir aux alouettes…

Thierry Litannie

Avocat (LAWTAX Avocats)

Administrateur de l’OECCBB