Déclaration obligatoire des loyers et indemnités pour les droits réels d’usage de biens immobiliers : Gare aux pièges !
A partir de l’exercice d’imposition 2024, sur la base du nouvel article 53.33° CIR 1992,
- Le loyer et les avantages locatifs attribués,
- Ainsi que les indemnités et avantages attribués en vertu d’un droit de superficie,
- D’un droit d’emphytéose,
- Ou d’un autre droit réel d’usage sur un bien immobilier,
- Ne seront plus déductiblessi le contribuable de se conforme pas à une nouvelle obligation de déclaration instituée par de l’article 307§2/2 CIR.
Cette obligation de déclaration s’effectue par le biais d’une nouvelle annexe obligatoire à joindre à la déclaration :
- Elle s’applique aux personnes morales qui déposent une déclaration fiscale,
- Elle s’applique également aux personnes physiques qui incluent tout ou partie de ces loyers, avantages locatifs ou redevances dans leurs frais professionnels réels mentionnés dans leur déclaration à l’impôt des personnes physiques.
Par ailleurs, il faut bien entendu également respecter les conditions de base de l’article 49 CIR 1922 pour déduire fiscalement ces frais comme toute charge professionnelle.
Il est indifférent que les bénéficiaires soient imposables ou non sur ces frais et avantages.
L’annexe doit contenir les informations suivantes :
- L’identification du bailleur ou du concédant du droit réel d’usage.
- Pour une personne physique, il s’agit du nom, du prénom et de l’adresse complète ; le cas échéant, le numéro d’identification du Registre national ou du registre d’attente; le cas échéant, le numéro d’identification à la Banque-Carrefour des Entreprises;
- Pour une personne morale, il s’agit de la dénomination, du siège social et du numéro d’immatriculation à la BCE.
- La déclaration de bonne foi d’informations erronées ne sera pas sanctionnée.
- L’Adresse du bien immobilier.
- Le montant des loyers avantages locatifs et des indemnités pour un droit de superficie, un droit d’emphytéose ou un autre droit réel d’usage sur un bien immobilier payées ou attribuées au cours de la période imposable concernée, par bien.
- Le montant des loyers ou des droits réels déduits à titre de frais professionnels au cours de l’exercice.
Bail enregistré gratuitement
L’article 53.33° CIR 1992 stipule également que le loyer et les avantages locatifs accordés ne sont en aucun cas déductibles s’il s’agit d’un immeuble dont le bail a été enregistré gratuitement ou aurait pu l’être s’il s’agit d’un immeuble situé en Belgique
Il est fait exception à ce principe si ce bien immobilier est loué par le contribuable dans le seul but de loger un ou plusieurs travailleurs ou dirigeants d’entreprise et, le cas échéant, leur famille en vertu d’une obligation légale ou contractuelle et bien entendu si l’obligation de déclaration a été remplie.
La gratuité de l’enregistrement des baux ne s’applique que si le bien est utilisé exclusivement à des fins d’habitation.
Ainsi, les propriétaires privés qui ont conclu de bonne foi un bail enregistré gratuitement avec un particulier bénéficient d’une protection contre la taxation d’un loyer professionnel.
Aucune échappatoire ?
En cas de non-respect de cette obligation de déclaration, le contribuable ne peut échapper au rejet des dépense, puisqu’il est de droit.
La preuve de la taxation chez le bénéficiaire n’empêchera pas le rejet des dépenses.
Même si la loi prévoit que le bénéficiaire n’est pas imposé sur ces revenus, aucune échappatoire n’est prévue.
Il est clair que l’administration fiscale recevra une multitude d’informations sur les structures immobilières nouvelles et existantes grâce à cette nouvelle obligation de déclaration.
L’intention à peine voilée du législateur est bien évidemment de taxer tout propriétaire sur une base réelle en cas de déduction totale ou partielle d’un loyer ou de toute redevance payée en contrepartie d’un doit réel immobilier.
Par ailleurs, on ne saurait conseiller que la plus grande prudence aux contribuables et à leurs conseillers et de leur suggérer de remplir cette annexe de manière systématique et exhaustive.
Même si aucun loyer n’est dû, même en l’absence de toute redevance, dès le moment où, par exemple, une société a acquis l’usufruit d’un immeuble et déduit des amortissements ou des intérêts hypothécaires sur ce droit, l’annexe doit être remplie.
Par ailleurs, on pourrait penser que les ASBL seraient dispensées de déclarer dans l’annexe ad hoc leurs loyers ou redevances. C’est en principe exact, mais en cas de tentative d’assujettissement forcé de l’ASBL à l’ISOC, lequel interviendra par définition toujours a posteriori, si l’annexe est manquante, le couperet tombera.
Rappelons pour terminer que, bien que cette disposition ait été introduite par une loi du 28 décembre 2023 elle est applicable à compter de l’exercice d’imposition 2024 et donc à toutes les déclarations que nous nous apprêtons à remplir et qui sont afférentes aux revenus de l’année 2023.
Nouvel exemple de la duplicité de notre législateur fiscal et nouvelle obligation piégeuse et source de responsabilité pour les professionnels du chiffre, qui n’en avaient pas vraiment besoin, tant il est vrai que chaque année leur amène leur lot d’obligations administratives supplémentaires, inutiles, vexatoires, comme s’ils constituaient une nouvelle race d’exclaves taillables et corvéables à merci.
Et encore, sous l’empire romain, le maître avait l’obligation de fournir à son exclave à manger et un toit.
Il est relativement étonnant de ne même plus être surpris par de pareilles situations face auxquelles la perplexité le dispute au désabusement
Thierry LITANNIE
Avocat (Lawtax Avocats)
Co-président de l’Ecofin Tax Club